21/07/2009
Pour bien
commencer, les citations du jour :
« Paul
Wolfowitz, on ne va pas le jeter dans le fleuve niger, les caïmans n’en
voudront même pas ! »
« Pourquoi
comme alors je ne sème pas ? Pourquoi quand je sème je ne récolte
pas ? Et pourquoi quand je récolte je ne mange pas ? » Zégué
Bamba, paysan
Répliques de Bamako, film d’Abderrahmane Sissako
Je me fends
d’un petit mail aujourd’hui.
Ma situation
ne bouge pas, voilà pourquoi je n’écris pas trop. C’est l’été, les grandes
vacances, la ville bouge un peu moins. Enfin, sauf les touristes…
Il fait chaud
et il ne pleut pas suffisamment. Graines de révoltes, encore, pour l’an
prochain ?…
J’ai eu un
moment où je n’avais pas trop le moral mais ça va mieux. Avec Ibra on lit, on
regarde des films. Les vacances quoi !
Je me suis
remise à lire substantivement. Marie Balmary surtout. Le deuxième essai. Ce
qu’écrit cette femme me fait tellement de bien… Dès que je lis quelques lignes
je sens chaque cellule de mon corps se détendre et un bien-être profond
m’envahir. Non qu’elle me mène vers dieu (désormais je l’écrirai sans
majuscule) mais vers une meilleure compréhension / assimilation – et donc
réconciliation – des mythes fondateurs de notre civilisation. Sur quoi est-elle
fondée ? Pourquoi tant de symboles intransmis, inconnus, incompris,
pervertis ? Pourquoi cette pseudo-morale judéo-chrétienne si castratrice,
destructrice, enfermante ???
Quel bonheur,
grâce à elle, de sentir les symboles se remettre dans un ordre juste, bon et
nourrissant ! Quelle joie de sentir à nouveau mon sang circuler dans le
bon sens et nourrir mon âme de mille fleurs si resplendissantes !!!
Je vous mets également un
article de Maurice Zundel tiré de Physiologie
et psychologie de la tendresse,
qui m’a beaucoup touchée par son explication du pourquoi du comment des humeurs
cycliques de la femme…
Bon, je vais
m’arrêter là. C’est peu d’écrit de moi pour beaucoup des autres, mais ne
désespérez pas : je recommence à rêver, mon esprit se réveille et l’envie
d’écrire reviendra bientôt !
Je me souviens d’un dialogue étonnant entre un savant
linguiste et ses auditeurs. Cet homme connaissait tellement de langues qu’on en
restait confondu d’admiration. A la fin de sa conférence, quelqu’un lui
demanda : « En quelle langue rêvez-vous ? » La réponse à
cette fine question vint, surprenante : « Je ne rêve pas. »
Alors, à côté de moi, une voix douce dit avec compassion : « Il
connaît toutes les langues, sauf la sienne. »
[…] la religion dont je parle, qui ne s’appelle ni judaïsme,
ni christianisme, ni islam, mais qui est une certaine façon de penser chacune
de ces traditions. L’éternité est pourtant promise à ces croyants, mais dans
quel état… Eternellement inférieure au Supérieur, la créature participe à la
gloire du dieu lorsqu’elle est devenue non pas elle-même, mais Lui : elle
aura tout si elle se prosterne… Monothéisme meurtrier qui ressemble au dieu
despotique qu’il adore, au nom duquel on fera, par les armes ou par la parole,
mourir qui n’adore pas.
[…] dans la
primitive église, il était interdit de s’agenouiller le dimanche, étant le jour
de la résurrection. Ne pas s’agenouiller, même devant Dieu – j’allais
dire : surtout devant Lui –, ce jour-là ; que dire alors de
l’agenouillement devant un homme ? Du premier pape il est dit dans les
Actes des Apôtres (10, 25-26) que, voyant venir à lui un païen qui tombe à ses
pieds, il « le réveille et dit : “Lève-toi, je suis moi-même un
humain.” »
Jadis, par exemple, au temps d’un certain catholicisme
triomphant, n’était-ce pas souvent dans cette attitude qu’une mère faisait un
fils prêtre : « Mères, donnez vos fils à l’Eglise, ainsi vous ne les
perdrez pas., disait une affiche pour encourager les vocations. Et la même
religion pouvait se perpétuer : la mère, avec le dieu, le fils… Redoutable
trinité.
Quelqu’un m’a dit un jour qu’il ne pouvait penser Dieu si
affreux qu’on le lui avait raconté et qu’il avait décidé, pour ne plus
commettre de blasphème, de ne plus mettre les pieds dans une église. Dieu, s’il
était, comprendrait.
Il y a dans le Coran un passage où Satan, enfin, dit la
vérité. Au dernier jour, évidemment, lorsque tous les hommes paraîtront devant
Dieu (Sourate 14, 26-27) :
Et quand tout fut fini,
Satan leur dit : « Dieu vous a fait une promesse véritable. Moi, je
vous ai fait aussi des promesses, mais je vous ai trompés. Je n’avais aucun
pouvoir sur vous.
Je n’ai fait que vous
appeler et vous m’avez répondu. Ne me faites point de reproches, n’en faites
qu’à vous-mêmes. Je ne puis ni vous donner du secours ni en recevoir de vous.
Quand vous me mettiez à côté de Dieu, je ne me croyais point son égal… »
[…] j’aime lire cette sourate comme l’aveu final par le mal
lui-même qu’il n’était rien. Qu’une illusion, une tromperie qui ne se croyait
même pas. Et je repense à tous ces actes accomplis, ces paroles dites par nous
sans nous et que nous posons sans y croire. Ce qui vient en nous du Satan, du
lieu en nous où il n’y a personne.
Marie Balmary, La Divine Origine, Dieu n’a pas créé l’homme
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– Ne crie jamais, un homme ne crie pas. Certains chefs ne
s’adressent à leurs administrés qu’en criant ; ils crient et ils menacent.
Or, vois-tu, un chef qui crie pour se faire craindre sent qu’il lui manque
quelque chose. […] ne crie jamais. Ne crie jamais et ne fuis jamais, quelque
soit ce que tu auras en face. Un homme ne court pas. Quand on doit la vie à la
fuite, on ne vit plus qu’à moitié. On est dominé soit par le souvenir de la
peur, soit par la honte. On n’est plus un homme libre.
Seydou Badian, Sous l’orage
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ECRIRE SON STRESS
NOIR SUR BLANC PEUT APPORTER UN SOULAGEMENT PHYSIQUE
« Relatez par écrit l’expérience la plus désagréable de
votre vie ». Le fait de suivre cette consigne a apporté un soulagement
significatif, objectivé par des critères physiques, à des personnes souffrant
d’asthme et de polyarthrite rhumatoïde de gravité légère à modérément sévère.
Le travail de Joshua M. Smyth et coll. (North Dakota State
University, Fargo) est le premier à démontrer que la rédaction d’un événement
de vie stressant améliore objectivement, sur les critères d’une cotation par le
médecin et des échelles d’évaluation de gravité, des patients souffrant de
pathologies chroniques. Il s’ajoute à un ensemble de travaux, de plus en plus
nombreux, étayant l’utilité de travailler sur les besoins psychologiques des
patients, avec un profit enregistré à la fois en termes psychologiques et
physiques.
Smyth et coll. ont constitué deux groupes parmi 112 patients
souffrant d’asthme ou de polyarthrite rhumatoïde (PR) d’intensité légère à
modérément sévère. Le groupe contrôle a été formé de personnes qui ont écrit
sur des sujets neutres du point de vue émotionnel.
Quatre mois après cette épreuve, les patients asthmatiques
du groupe expérimental ont présenté une amélioration fonctionnelle
respiratoire, consistant en un gain de 19 % en moyenne du VEMS, alors que les
sujets du groupe contrôle n’ont observé aucun changement.
Chez les patients souffrant de PR, le changement s’est
manifesté pour la maladie dans son ensemble, avec une réduction moyenne de la
sévérité de 28 %. Là non plus, les patients du groupe contrôle n’ont pas eu de
modification.
« Ces gains vont au-delà de ceux attribués au
traitement standard que tous les patients ont reçu », constatent les
auteurs, qui ne peuvent pas encore dire si ce type d’exercice peut être
bénéfique dans d’autres pathologies.
Extrait d’une
formation sur la gestion du stress
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EFFET BOOMERANG CHEZ
MONSANTO
Aux États-Unis, cinq
mille hectares de culture de soja transgénique ont du être abandonnés par les
agriculteurs et cinquante mille autres sont gravement menacés. Cette panique
est due à une « mauvaise » herbe qui a décidé de s’opposer au
géant Monsanto, connu pour être le plus grand prédateur de la Terre. Insolente,
cette plante mutante prolifère et défie le Roundup, l’herbicide total à base de
glyphosphate, auquel nulle « mauvaise herbe ne résiste ».
Quand la nature
reprend le dessus
C’est en 2004 qu’un agriculteur de Macon, en Géorgie, ville
située à environ 130 km d’Atlanta, remarqua que certaines pousses
d’amarantes résistaient au Roundup dont il arrosait ses cultures de soja. Les
champs victimes de cette envahissante mauvaise herbe ont été ensemencés avec
des graines Roundup Ready, semence
ayant reçu un gène de résistance au Roundup auquel « nulle mauvaise herbe
ne résiste ».
Depuis cette époque, la situation s’est aggravée et le
phénomène s’est étendu à d’autres états, Caroline du Sud, et du Nord,
Arkansas, Tennessee et Missouri.
Selon un groupe de scientifiques du Centre for Ecology and Hydrology, organisation britannique située à
Winfrith, dans le Dorset, il y aurait eu un transfert de gènes entre la plante
OGM et certaines herbes indésirables, comme l’amarante. Ce constat
contredit les affirmations péremptoires et optimistes des défenseurs des OGM
qui prétendaient – et persistent à affirmer – qu’une hybridation entre
une plante génétiquement modifiée et une plante non-modifiée est tout
simplement « impossible ».
Pour le généticien britannique Brian Johnson, spécialisé
dans les problèmes liés à l’agriculture : « Il suffit d’un seul
croisement réussi sur plusieurs millions de possibilités. Dès qu’elle est
créée, la nouvelle plante possède un avantage sélectif énorme, et elle se
multiplie rapidement. L’herbicide puissant utilisé ici, à base de glyphosphate
et d’ammonium, a exercé sur les plantes une pression énorme qui a encore accru
la vitesse d’adaptation. »
Ainsi, un gène de résistance aux herbicides a, semble-t-il,
donné naissance à une plante hybride issue d’un saut entre la graine
qu’il est censé protéger et l’amarante, devenue impossible à éliminer. La
seule solution est d’arracher les mauvaises herbes à la main, comme on le
faisait autrefois, mais ce n’est pas toujours possible étant donné l’étendue
des cultures. En outre, ces herbes, profondément enracinées, sont très
difficiles à arracher et 5 000 ha ont été tout simplement abandonnés.
Nombre de cultivateurs envisagent de renoncer aux OGM et de revenir à une
agriculture traditionnelle, d’autant que les plants OGM coûtent de plus en plus
cher et la rentabilité est primordiale pour ce genre d’agriculture. Ainsi, Alan
Rowland, producteur et marchand de semences de soja à Dudley, dans le Missouri,
affirme que plus personne ne lui demande de graines Monsanto de type Roundup Ready alors que ces derniers
temps ce secteur représentait 80 % de son commerce. Aujourd’hui, les graines
OGM ont disparu de son catalogue et la demande de graines traditionnelles
augmente sans cesse.
Déjà, le 25 juillet 2005, The Guardian
publiait un article de Paul Brown qui révélait que des gènes modifiés de
céréales avaient transité vers des plantes sauvages, créant ainsi une
« supergraine » résistante aux herbicides, croisement
« inconcevable » par les scientifiques du ministère de
l’environnement.
Depuis 2008, les media agricoles américains rapportent de
plus en plus de cas de résistance et le gouvernement des États-Unis a
pratiqué d’importantes coupes budgétaires qui ont contraint le Ministère
de l’Agriculture à réduire, puis arrêter, certaines de ses activités.
Plante diabolique ou
plante sacrée ?
Il est amusant de constater que cette plante,
« diabolique » aux yeux de l’agriculture génétique, est une
plante sacrée pour les Incas.
Elle fait partie des aliments les plus anciens du monde.
Chaque plante produit en moyenne 12 000 graines par an, et les
feuilles, plus riches en protéines que le soja, contiennent des vitamines
A et C et des sels minéraux. Ainsi ce boomerang, renvoyé par la nature
sur Monsanto, non seulement neutralise ce prédateur, mais installe dans
des lieux une plante qui pourra nourrir l’humanité en cas de famine. Elle
supporte la plupart des climats, aussi bien les régions sèches que les
zones de mousson et les hautes terres tropicales et n’a de problèmes ni
avec les insectes ni avec les maladies, donc n’aura jamais besoin de
produits chimiques.
Ainsi, « la marante » affronte le très puissant Monsanto, comme
David s’opposa à Goliath. Et tout le monde sait comment se termina le
combat, pourtant bien inégal ! Si ces phénomènes se reproduisent en quantité
suffisante, ce qui semble programmé, Monsanto n’aura bientôt plus qu’à
mettre la clé sous la porte.
À part ses salariés, qui plaindra vraiment cette entreprise
funèbre ?
Cécile Fléché
Cécile Fléché est une
des toutes premières premières femmes diplômées vétérinaire. Elle a
beaucoup agi avec ATTAC à Grasse, a dirigé le laboratoire départemental 06 de
pathologie des petits ruminants et des abeilles. Elle a travaillé sur les
effets du Gaucho et du Regent sur les abeilles
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Physiologie et
psychologie de la tendresse
Le nouveau-né demeure en symbiose, en communauté de vie,
avec sa mère par l’allaitement. Les seins de la femme expriment ce geste
nourricier comme l’extase de son coeur vers l’enfant possible dont la promesse éclôt
en elle au moment de la puberté. La tendresse est inscrite dans ce mouvement de
sa morphologie et elle importe plus encore que le lait dont la source peut être
remplacée.
Alors que durant la vie intra-utérine le foetus n’est encore
pour la mère qu’un objet vague et indéterminé, le nourrisson lui apporte cette
merveilleuse découverte d’un visage à contempler tandis que dans le geste de
l’allaitement, il reçoit d’elle en même temps que sa tendresse, le droit de
vivre, si souvent inventorié par la psychanalyse, qui complète de façon obscure
mais indispensable l’élan de la génération.
Le dossier des enfants mal aimés ou refusés par leur mère, aussi
bien, est si énorme et si tragique qu’il doit être toujours présent à la
mémoire de quiconque est appelé à remédier à la délinquance ou aux troubles
psychiques. L’importance majeure de ce facteur affectif qui alimente la vie du
nourrisson comme un nouveau cordon ombilical et qui conditionne le climat de
toute son activité mentale, suppose naturellement, chez la mère, une
inclination vers ce don sensible qui prolonge l’élan de son coeur vers le fruit
de ses entrailles.
Mais une telle aptitude à donner, imprimée dans ses formes, implique
une aptitude égale à recevoir qui enracine la femme dans un univers de
tendresse qui lui importe plus que le pain qu’elle mange. Il semble qu’elle ait
elle-même besoin toute sa vie de ce complément de génération où son psychisme
respire à travers un épiderme que les caresses vivifient, comme elle se vêt –
quand elle le peut – de tissus délicats qui lui épargnent la rudesse de
contacts susceptibles de la blesser.
Il suffit en tout cas, d’avoir rencontré la détresse sans
issue de ces sensibilités féminines emprisonnées dans la banquise d’une solitude
glaciale, incapables de toute communication autant qu’elles sont privées de
toute affection, pour conclure que la tendresse conditionne chez la reine, une
sorte de circulation vitale aussi utile que celle du sang.
Et peut-être y a-t-il, en effet, un lien cyclique, encore insuffisamment
précisé, entre le rythme physiologique coextensif à son pouvoir d’enfanter, qui
la marque si profondément de la puberté à la ménopause, et les phénomènes
psychiques où les réactions de sa sensibilité se font jour. On conçoit
difficilement, en toute hypothèse, que les cycles humoraux ne retentissent pas,
de quelque manière, sur les dispositions des énergies nerveuses qui
conditionnent ses réponses spontanées aux situations où elle se trouve engagée.
Le Docteur Vittoz peut nous aider à prendre plus nettement conscience
du lien que nous cherchons à établir, dans la mesure où son intuition maîtresse
a été, vraiment, le pressentiment d’une circulation nerveuse comparable à celle
du sang. Il a parfaitement reconnu, comme en témoigne sa méthode, que nos
énergies nerveuses peuvent se bloquer et se coaguler, en quelque sorte, en une
manière d’embolie qui fait barrage à leur normale diffusion.
En sens inverse, notre réceptivité peut être altérée au
point d’obstruer les relations périphériques ou d’aboutir parfois à une
véritable impossibilité de communiquer avec autrui. Il a tenté de remettre en mouvement
ces énergies nerveuses, d’en rétablir la circulation, en réapprivoisant les
voies sensorielles dans ce qu’il appelle l’acte inconscient qui consiste
précisément à vivre pleinement une sensation objective, à s’absorber en elle de
manière à faire refluer vers elle le courant nerveux jusque là bloqué et, en le
concentrant sur un seul point, il rend leur disponibilité à tous les appels du
psychisme.
Quiconque est voué à un effort cérébral prolongé sait le
secours que peut lui apporter une sensation périphérique qui fait contrepoids en
plein travail à une excessive concentration, comme de sucer un bonbon, de
mastiquer un chewing-gum ou de fumer une pipe. Quand la fatigue mentale rend
toute étude impossible, le travailleur se livre presque instinctivement à un
travail matériel : il laboure son jardin, pour se reposer d’une attention
dispersée sur une pluralité d’objets extérieurs, ou de la tension qui le rivait
à la poursuite rigoureuse d’une pensée abstraite.
Or, il semble bien, que la femme soit particulièrement
exposée à ces courts-circuits qui interceptent le courant nerveux et raidissent
le psychisme dans un isolement sans issue qui peut atteindre à un paroxysme de
détresse dont aucun événement ne justifie le caractère désespéré.
Elle n’a plus alors de sensibilité que pour souffrir une
solitude impénétrable où toute parole devient irréelle, où tout conseil échoue,
où tout idéal perd sa puissance d’aimantation, où toute résolution prend la
couleur abstraite des constructions livresques sans prise sur la vie. Elle n’y
peut d’ailleurs strictement rien, car elle ne dispose plus de cet intermédiaire
qui fait communiquer spontanément les divers niveaux de l’être entre eux, (tout
en assurant les ouvertures sur le dehors). Elle vit une espèce de mort
psychique qui peut devenir une épreuve intolérable.
Un geste de tendresse, l’expérience le prouve abondamment, est
quelquefois seul capable d’opérer ici le miracle qui ranimera le psychisme en
faisant circuler la vie. Il faut ce contact sensible d’une affection chaleureuse,
pour débloquer le courant nerveux, en donnant un visage à l’univers anonyme des
objets où elle se sentait étrangère.
Comme l’enfant, dont elle est la providence, la femme, en
effet, n’est comblée que par une présence vivante. Quels que puissent être ses
dons dans l’exploration de l’abstrait ou ses réussites dans le domaine scientifique,
elle ne peut en faire toute sa vie et, quand elle atteint au point mort où ses
accumulateurs sont à plat, ses talents ne lui sont d’aucun secours. Aussi douée
qu’elle soit, elle a besoin d’un témoignage affectueux pour retrouver le
courant et émerger de la mer de glace où son psychisme agonise. C’est ce qui
explique qu’elle accorde parfois un crédit, aussi dangereux pour elle
qu’injustifiable objectivement, au premier venu qui a su faire ou simuler le
geste de tendresse sans lequel elle fût demeurée murée dans sa banquise et
fermée à toute communication.
C’est d’un homme, en effet, que la femme attend généralement
cette intervention revivifiante qui exorcise le désespoir de sa solitude ;
il lui arrive, trop souvent, d’en être victime ou de se trouver engagée en
d’inextricables conflits quand le mariage n’est pas son lot. Mais comme l’amitié
entre reines peut comporter très normalement une expression sensible, il arrive
heureusement que la tendresse d’une amie suffise à nourrir l’affectivité de
chacune et qu’elles se puissent donner l’une à l’autre le secours qui remet en
marche un psychisme noué sur lui-même.
Si elles vivent ensemble, la crise est quelquefois prévenue avant
même d’éclater. Cela dépend naturellement de la qualité de leur attachement et
de la finesse de leurs antennes. Quand l’harmonie est complète, le bonheur peut
l’être aussi, avec parfois une sécurité plus grande qu’avec un partenaire
masculin.
Cela ne veut pas dire qu’une telle intimité entre femmes soit
toujours sans danger. Elle peut aisément prendre un tour passionné qui confine
à la sensualité, en effaçant les frontières où le désordre est reconnu comme
tel, au risque d’y succomber en confondant instinct et tendresse. Mais notre
propos n’est pas, pour l’instant, de découvrir dans la passion même une
exigence qui permet de la transcender. Ce que nous voulons saisir ici, ce sont
les racines de la tendresse qui constitue, pour la reine, le seul univers
respirable.
Nous avons vu que son aptitude à donner la tendresse qui fonde
son aptitude à la recevoir, s’enracine dans sa physiologie et dans sa
psychologie maternelles. L’enfant ne peut accepter la vie que dans la mesure où
l’amour de sa mère lui confère la saveur d’un don. La tendresse est pour lui un
complément de génération indispensable. Le sein qui l’allaite doit lui rendre
sensible le coeur qui le chérit.
Toutes les nuances affectives que requiert ce deuxième enfantement,
toutes les délicatesses du toucher qui atteignent l’âme du nourrisson à travers
sa chair fragile, sensibilisent la femme aux caresses, traduisant la présence
attentive, comme elles la rendent particulièrement vulnérable au désert de
l’absence.
Elle est toujours en quête d’un visage où toutes ses valeurs
prennent vie dans un regard qui répond au sien.
La périodicité menstruelle retentit sur son psychisme, lui imprimant
ces oscillations de flux et de reflux, qui rendent fragile son équilibre
nerveux, conditionné de toute manière par les présences ou les absences avec
lesquelles elle est confrontée. C’est pourquoi le blocage affectif que l’homme
éprouve parfois à la suite d’un effort cérébral prolongé, peut se produire chez
elle sans raison apparente, en la congelant dans un isolement d’autant plus
douloureux qu’elle est totalement incapable d’en sortir.
En réservant les possibilités de la grâce et d’une issue
surnaturelle, il n’y a, en effet, pour elle aucun moyen de mettre un terme à son
épreuve aussi longtemps qu’elle dure. C’est dans cette situation désespérée qu’elle
appelle, de tout son être, une tendresse qui la délivre de sa solitude en
remobilisant ses énergies nerveuses.
Si elle est exposée à se tromper, dans ce paroxysme de
souffrance, et à nouer des liens qui la dépasseront et lui imposeront peut-être
une lourde servitude, il faut comprendre, en évitant de "moraliser". N’était-ce
point pour elle une question de vie ou de mort, s’il est vrai qu’on ne peut
vivre sans communiquer ?
Quand la femme est supérieure à l’homme, les rôles peuvent être
renversés et la faiblesse de celui-ci appeler la protection maternelle de
celle-là. Ce cas est assez fréquent pour qu’il en soit fait ici mention. Il
faut évidemment, prendre des psychismes de même niveau pour que la comparaison
rende sensibles les différences normales.
Mais même si elle assume courageusement la charge d’une insuffisante
virilité, la reine se lasse, à la longue, de "faire l’homme", et elle
aspire à la détente abandonnée d’une tendresse qui est la respiration naturelle
de sa sensibilité et la plus sûre assise de son équilibre nerveux.
Maurice Zundel, Le
célibat laïc féminin, pp.114-118